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En ces premiers jours de septembre, l’hiver s’est brusquement invité en été. Il pleut des seaux sur la capitale, le ciel a pris une couleur gris de plomb, les parapluies se retournent et le vent enrhume les gorges fragiles. Agnès Jaoui débarque entre deux averses dans ce petit café de l’île Saint-Louis au délicieux nom de Pain d’épices. Un endroit cosy où se mêlent touristes et clientèle de quartier ; elle fait partie de la seconde catégorie, le patron l’appelle par son prénom. La comédienne, scénariste, réalisatrice, chanteuse s’installe sur une des banquettes de velours et se débarrasse d’une ou deux couches de vêtements, un camaïeu automnal de brun, de prune et de bordeaux assorti à sa chatoyante chevelure aux reflets roux.
Elle a l’air maussade, comme si le temps avait déteint sur son humeur. On sent bien que ça ne l’emballe pas cette histoire de photo, et plus encore quand elle découvre que son pull est mité. Pour un peu, on croirait voir Jean-Pierre Bacri, son compagnon bougonnant à la vie et à la scène pendant près de trente ans, mort en 2021. Agnès Jaoui préfère, à l’évidence, parler que poser. Encore que.
Elle a commandé un thé noir fumé avec du lait, histoire de se réchauffer et aussi parce qu’elle a décidé d’arrêter l’alcool. Depuis quand ? « Depuis ce midi ! », dit-elle, en éclatant de rire. Elle se détend, nous, on respire. Après avoir passé l’été à vingt-cinq, famille et amis, dans une maison en Italie à ne pas se priver, elle a besoin d’une petite pause. C’est qu’une rentrée particulièrement chargée l’attend, avec un livre, un disque et un film, rien que ça. « Les hasards de la vie », explique-t-elle, un bouquet de « premières fois » aussi.
Car Agnès Jaoui a ajouté une corde à son arc déjà bien fourni : un premier récit sur l’amitié et le regard des autres, La Taille de nos seins (Grasset, 144 pages, 19 euros), illustré par son amie d’enfance Cécile Partouche, dans lequel elle conte joliment des saynètes de sa prime jeunesse. Sans esquiver les moments les moins drôles, le regard lourd des hommes, « l’incroyable choc de l’enfant qui devient un appât », l’oncle agresseur, enfin, qu’elle avait déjà évoqué, en 2020, dans un discours bouleversant dans le cadre du collectif 50/50, qui lutte pour une meilleure représentation des femmes dans le cinéma.
Dans cette sorte d’autobiographie de ses premières années, elle a cette phrase terrible : « Je n’ai jamais été autant courtisée, regardée, draguée, pelotée, harcelée, abusée qu’entre mes 10 ans et mes 13 ans. Il faut dire que j’ai eu des seins très tôt. » « J’avais envie de parler de ça, explique-t-elle, en avalant une gorgée de thé noir. On parle de la taille des bites, mais jamais de celle des seins, de la façon dont on est regardées… »
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